L'Islam en Guinée : Fouta-Djallon ( VIII ).

D. Le Groupement de Tierno Doura Sombili (Labé). — Tierno Abdourrahman, du village de Sombili et de la famille khaliduyanke (Diallubhe), plus connu sous le nom de Tierno Doura Sombili, est né au début du siècle dernier et est mort à un âge très avancé, vers 1895. Il avait fait ses premières études dans le Labé, et était allé les compléter à Golléré, dans le Fouta Toro, où il resta vingt ans. Revenu à Sombili, il y fonda une sorte de Zaouïa, où il distribua par lui-même ou par ses fils et grands talibés l'enseignement musulman à de nombreux enfants. Il prit part à de nombreux épisodes de la guerre sainte dirigée par l'Almamy Oumarou contre le Gabou. Il a laissé la réputation d'un saint et d'un savant.
Il a fait l'éducation d'un grand nombre de Karamoko foula de cette partie du Labé, et les a affiliés à sa voie tidiania. Il avait personnellement reçu le
wird tidiani de Chekou Mamadou Yéro, grand marabout de Golléré, disciple doublement tidiani de Mouloud Fal, des Ida Ou Ali du Trarza, et d'Al-Hadj Omar, le conquérant toucouleur.
Il exerça, sous la domination d'Alfa Aguibou, chef du
diiwal, le commandement de Kinsi jusqu'à sa mort.
Son fils
Tierno Mamadou Cellou, plus connu sous le nom de Modi Cellou Kinsi, est né vers 1855. Elève et disciple de son père, il a été un marabout réputé dont la réputation a commencé dans l'entourage d'Alfa Yaya, où il a vécu plusieurs années. Nommé chef de la province du Kinsi, par Alfa Yaya et maintenu par nous en fonctions, il s'y est quelque peu brûlé, et a dû vider la place (1913). Il avait eu toutes sortes de démêlés avec son ancien Manga ou chef de ses captifs, et finit, par une singulière aberration de notre politique démocratique en pays noir, par en être la victime. lI fut condamné à des peines diverses d'emprisonnement et d'amende, puis contraint à une résidence obligatoire d'un an à Yukunkun. Il est redevenu Karamoko et marabout et continue à résider à Péti (Kinsi, Cercle de Koumbia). Ses femmes sont Malinke du Gabou et Foula Khalidiyabhe. Il a de nombreux enfants.
Parmi les nombreux petits-fils de Tierno Doura Sombili deux méritent une mention particulière
Modi Aliou, chef du Kinsi et Tierno Abdourahman, tous deux fils de Modi Cellou Kinsi.

  1. Modi Aliou, né vers 1880, a remplacé son père à la tête du Kinsi lors de la révocation de son père en 1911. C'est un lettré arabe de valeur, beaucoup plus chef politique que marabout.

  2. Tierno Abdourahman est né, vers 1882, à Sombili. Il a fait de bonnes études islamiques auprès des professeurs laissés par son grand-père, qui est revenu suivre quelques années les cours de l'école française de Labé (1905-19088). Il y est revenu quelques mois, en 1912, pour se perfectionner. Il parle, lit et écrit assez bien le français. Intelligent et ouvert, quoique peu énergique, il paraît acquis aux sympathies françaises. Il est riche de femmes, d'enfants et de captifs.
    Tierno Abdourahman a été nommé chef du district de Sombili en mai 1905. Il vécut en assez mauvais termes avec
    Alfa Alimou, ancien chef du Labé. Celui-ci l'impliqua même dans une affaire de vol pour le faire emprisonner, mais l'intervention de l'Administrateur sauva le jeune homme, qui paraît en avoir gardé une certaine reconnaissance.
    Il est assez mal vu par les Karamoko de la région, qui lui reprochent de ne pas suivre les traditions ancestrales et de s'entourer, non de clercs pieux et lettrés, mais de jeunes gens peu recommandables.

Parmi les nombreux Karamoko formés par Tierno Doura Sombili, et chef de petits groupements religieux, on peut citer

  • dans le Labé :

    • Dans la province de Wendou: à Simili Bamba, Tierno Diouhé, né en 1850, et Oumarou Fadougou, né en 1875.

    • Dans la province de Hoore-Komba: à Dalen-Kella, Tierno Moktar; à Karéré (Karantagui) Tierno Ibrahima.

    • Dans la province de misiide-Hinde à Satina Tierno Saadou.

    • A Sombili, Alfa Salifou, né vers 1844; Modi Abdoul, né vers 1860 et Tierno Ibrahima, né vers 1873.

    • A Ndantari, Tierno Aliou, né vers 1850.

    • A Toulé, Tierno Amadou, né vers 1860, et Tierno Moktarou, né vers 1880.

    • A Buruuji, Tierno Mamadou, né vers 1842.

    • Dans la province de Donghora; à Labé, Tierno Mamadou Ngeriyanke.

Cinq entre eux méritent une mention particulière:

  •  
    1. Tierno Moktar, de Dalen (Hoore Komba) né vers 1850, de la famille Seleyanke (Diallubhe) fils de Chékou Saadou, Karamoko réputé et auteur d'ouvrages foula. Tierno Moktar est un marabout instruit et intelligent qui continue à Dalen l'enseignement de son père, et donne entre temps des consultations juridiques. Il est le conseiller attitré du chef de province, Modi Gandou, et se flatte d'avoir été appelé à plusieurs reprises par Alfa Yaya à régler des procès difficiles. Il est le cousin de Tierno Ibrahima Dalen. Il a de nombreux disciples dans la province même à Dalen, et à Tunturun.

    2. dans la province de misiide-Hinde, les Karamoko Mamadou Bobo, à Lémounel; Mamadou Guirladio à Satina; Mamadou Saïdou,

    3. à Hansanhere; Modi Hima, de la famille Ranhaabhe, né vers 1845, imam de la mosquée de Popodara, auxiliaire du chef de province, et très influent dans ce gros bourg;

    4. dans la province de la Kassa-Saala, Tierno Mamoudou à Lélouma

    5. dans la Donhoraa, Tierno Ousmani, à Koulidara.

  • En dehors du Labé,

  •  
    • dans le Maci de Pita, Tierno Moktar compte plusieurs disciples dont il convient de citer Tierno Moawiatou de misiide-Maci; Souhaïbou de Ndantari; Tierno Bailo et Amadou Baïlo, de Bouma. Il a aussi quelques adeptes à Dinguidabhe, dans le cercle de Koumbia, et Amadou Ouri, à Koumbia même.

    • Tierno Ibrahima Kareere, de la famille des Seleyanke (Hoore-Komba) et qui vient de mourir en 1916, jouissait d'un grand prestige dans toute la région. Son fils, Tierno Mamadou Diouhé, né en 1880, maître d'école à Kareere, marcha sur ses traces. Il s'est enfui, en octobre 1912, en Guinée portugaise, et après un séjour d'un an à Toyada, chez le chef Moundiourou, est revenu dans le Labé. Lui ou son père ont plusieurs disciples dans la province même, notamment Mamadou Dian, Karamoko de Ndanta

    • dans la province de misiide-Hinde, notamment Mamadou Kalil, maître d'école à Sombili; dans la province de la Dimma, notamment Mamadou Hadi, maître d'école à Nianou-Medina.

    • Tierno Mamadou Ngeriyanke, de la tribu Diallubhe est né vers 1850 à Labé. Il y réside toujours, maître d'une école florissante. Il a été président du tribunal de Labé. Il passe pour un grammairien et un juriste de valeur. C'est un caractère droit et honnête.

    • Tierno Ibrahima, né vers 1873, de la famille des Khaliduyanke, fait le maître d'école à Sombili en saison sèche, et à Donta en hivernage. Il est le fils et l'élève d'un marabout réputé, Tierno Oussoumani, connu dans le Labé sous le nom de Karamoko de Dombeli. Le frère d'Ibrahima, Oumarou, y exerce aussi les fonctions de maître d'école.
      Ibrahima est imam de la mosquée locale. C'est un homme instruit, possédant fort bien l'arabe, et qui compte des disciples dans toute la province de Misiide-Hinde.

    • Tierno Mamadou Abdoulaye, né vers 1853, chef du district de Lelouma, petit et chétif, mais intelligent et énergique. Nommé chef en 1900, il fut révoqué par Alfa Yaya en 1903, et renommé par les Français en 1905. Il se rattache à Mamadou Lamin Souaré, son huitième ancêtre, qui, dans la tradition familiale vint du Macina au dix-neuvième siècle, avec les invasions peules.

    • Tierno Ahmadou est un personnage religieux très écouté dans les assemblées du Labé. Il est fort instruit ès sciences islamiques. Il est apparenté à Tierno Ibrahima Dalen et se rattache au Tidianisme de Tierno Doura Sombili.

  • Dans la résidence de Mali, un groupement important de tidiania relève de Tierno Doura. C'est celui de Tinkéta (Yambérin), qui a été formé et instruit par Tierno Bemba, décédé vers 1880 et un des élèves les plus brillants du maître de Sombili.

  • En dehors du Labé, on peut citer

    • Alfa Amadou né Abdoulaye Foula, de Buruwal-Lahéqui (province de Bantinhel) et Tierno Kaba, de la misiide Bomboli (Pita).

    • Alfa Mamadou Gobiire, maître d'une école florissante, dans le Kankalabé, né vers 1860.

    • Tierno Younoussa, né vers 1840, à Fougoumba (Ditin).

    • Un certain nombre de Karamoko et notables foula du Badiar et du Boowe-Leymaaje, dont les plus en vue sont: Modi Dian, Modi Diogo, et Modi Lamin, nés vers 1850 dans Kinsi, Modi Alseyni, né vers 1870 et Mamadou Diambali, né vers 1850, originaire du Labé et enfin Alfa Ibrahima, qui fut nommé chef de Bhouria (Mamou) par l'Almamy Ahmadou. Alfa Ibrahima avait fait ses études et reçu le wird chez Tierno Doura. Son fils Alfa Mamadou se rattache à la même bannière par Tierno Aliou Boubha Ndiyan de Labé.

E. Tierno Aliou Boubha Ndiyan. — Tierno Aliou Bhoubha Ndiyan est né vers 1850, à Labé même; c'est un Foula de la tribu Uururbhe, fraction Nduyeebhe. Tierno Aliou est d'ailleurs l'héritier des chefs de cette fraction. Il a étudié le Coran avec son père Tierno Mamadou, fils de Mamadou; la théologie dogmatique, la grammaire et le droit chez Tierno Bokar Poti, à Labé. Il a complété ses études supérieures près de Labé, chez Tierno Doura Sombili, le marabout tidiani le plus réputé du Labé, à la fin du siècle dernier.
Tierno Aliou est remarquablement instruit ès sciences arabes et islamiques, avait déjà conquis la première place parmi les Karamoko du Labé, vers 1895, sous le règne
d'Alfa Yaya. Il était très apprécié par ce chef, qui, utilisant sa science juridique, l'avait peu à peu transformé en grand Cadi du Labé.
Sa réputation n'a fait que s'accroître avec le temps, et lors de la réorganisation judiciaire de l'Afrique Occidentale (novembre 1903), il était tout désigné pour entrer dans les nouveaux cadres. Il fut nommé assesseur du tribunal de Labé par l'arrêté du 30 décembre 1905, et l'est resté jusqu'à 1912, date où il a pris la présidence du Tribunal du Labé. Il est toujours quelque peu, comme jadis, le conseiller islamique des Commandants du Labé. 

Si Tierno Aliou donne toute satisfaction dans le domaine judiciaire, où il s'impose à tous par sa science, sa et son prestige, il est moins apprécié comme chef administratif. Il fut d'abord chef du district de Labé-Nduyeebhe de 1901 à fin 1912. Le 1er janvier 1913, il a été nommé chef de la province de la Donhora. Apathique et négligent dans ce service, il n'apporte qu'un soin mitigé au recouvrement de l'impôt et aux multiples détails de l'administration indigène. lI n'a manifestement que peu d'aptitude pour ces fonctions. Elles lui sont maintenues toutefois, car elles l'obligent à rester en contact immédiat avec le poste et permettent d'exercer sur lui une action continuelle.

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